Entretien avec Shiori Saito

Présidente de l’association Japonaide

Cette année encore, le 11 mars 2012, a eu lieu un très beau concert au siège de l’Unesco en commémoration des victimes de la catastrophe de mars 2011. L’année dernière un concert similaire avait eu lieu le 10 avril 2011, organisé par le Comité des concerts de charité pour les sinistrés du séisme au Japon à Paris.

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Bonjour Mme Saito. Cette année, c’est l’association Japonaide qui s’est occupée de l’organisation. Pouvez-nous nous dire quelques mots sur ce concert, ses enjeux, sa signification, ses impacts ?

L’année dernière, le concert à l’Unesco a en effet été organisé, non seulement par Japonaide mais également par le Comité des concerts de charité qui comprenait plusieurs membres et notamment DAINOBU Ryo au Japon et ABE Kanako en France, qui ont lancé un appel aux musiciens sur Facebook.

Cette année, c’est surtout grâce au chef d’orchestre, M. Yutaka Sado, qui nous a rejoints gracieusement, que nous avons pu avoir un tel impact médiatique. De plus, en tant qu’organisateur, les membres de Japonaide ont tout fait pour mettre en valeur l’événement et diffuser l’information à travers le monde. La plupart des participants ayant été bénévoles, y compris les musiciens venus du Japon, la demande de subvention a été faite en grande partie pour couvrir les dépenses en communication.

Ce 2ème concert avait un sens un peu différent que celui de l’année dernière car notre but n’était pas seulement de récolter des dons en vendant des billets, nous souhaitions surtout transmettre notre reconnaissance à tous ceux qui nous ont soutenu pendant 1 an.

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L’association Japonaide est née il y a un an environ, après le séisme du 11 mars 2011, pouvez-nous raconter comment elle est née ? Quelle était sa mission ?

Après le 11 mars 2011, beaucoup de gens voulaient faire « quelque chose » pour le Japon. C’était aussi le cas d’artistes japonais qui se sont réunis et sont venus me proposer d’organiser quelque chose, un événement de charité par exemple. Puisque j’étais, et suis toujours, coordinatrice d’événements culturels en free-lance, je pouvais gérer librement mon emploi du temps et ai décidé de monter Japonaide avec eux.

A cette époque, étant donné que nous ne savions pas encore si nous pourrions réunir des dons, nous voulions soutenir les sinistrés en leur envoyant des messages d’encouragement depuis la France, afin qu’ils ne se sentent pas abandonnés. Mais, étant donné que la plupart des gens voulaient envoyer une aide matérielle ou morale au Japon, il nous semblait nécessaire de faire quelque chose de différent. C’est ainsi que nous est venue l’idée de monter une organisation qui permette de réaliser « quelque chose » et de le gérer. C’est dans ce but qu’est née l’association Japonaide.

« Après le 11 mars 2011, beaucoup de gens voulaient faire « quelque chose » pour le Japon. »

Un an après le séisme, cette mission a-t-elle encore du sens ?

Je souhaite dire oui à cette question. Je ne peux pas dire moi-même si cela était suffisant ou pas, mais en tout cas, en organisant des événements nous-même et en collaborant avec d’autres organisations, nous avons pu continuer à réaliser nos activités, récolter des dons et diffuser des informations sans cesse sur le Japon en France et en Europe. C’est dans cette continuité que nous avons été amenés à réaliser ce grand concert cette année à l’Unesco le 11 mars. Nous avons pu également envoyer jusqu’à aujourd’hui environ 16 000 000 yens au Japon.

Mais je ne suis pas certaine de pouvoir récolter encore une telle somme à l’avenir. Nous devons réfléchir à ce que nous pourrons faire pour la suite.

Comment voyez-vous l’avenir de Japonaide ? Avez-vous des projets ?

Actuellement nous avons deux projets en cours : Premièrement nous soutenons l’opération « Maison pour tous (Minna no ié) » qui est montée par Tôyo ITO, architecte de renom et responsable de l’organisation à but non lucratif Kisyn no kai. En collaborant avec le magasine ZOOM Japon, nous faisons des appels de dons en France, afin que cet organisme puisse construire une maison de rencontre dans la ville de Rikuzentakata qui a été détruite par le séisme.

Deuxièmement nous aidons Meiyukan, un centre de réfugié privé qui se situe dans la ville d’Ishinomaki. Nous les soutiendrons financièrement tant que les habitants de cette ville en auront besoin et que les gérants pourront continuer leur activité.

Sinon désormais, nous souhaitons être plus proches des régions en difficulté, afin de comprendre ce que les gens souhaitent réellement. Il faudrait pour cela que nous sachions quelles organisations japonaises ont besoin d’aide. Il nous est donc indispensable cette année de nous rendre sur place, d’établir des rapports et de les transmettre en France et dans le monde entier pour que les personnes en difficulté ne reste pas dans l’oubli.

Comment fonctionne Japonaide ?

En ce qui concerne les membres actifs de Japonaide, nous sommes actuellement une quinzaine. Comme chacun a son métier à côté, nous communiquons quotidiennement sur une page groupe de Facebook et organisons des audioconférences via Skype. Puis nous nous réunissons lorsque c’est nécessaire.

Depuis septembre 2011, nos besoins financiers sont couverts par la vente de nos badges. Actuellement, dans le sud de la France, il y a une exposition au Musée d’Art Concret qui les vend, et ce jusqu’en juin. Cette exposition est réalisée par une organisation d’artistes avec qui nous avons collaboré en septembre.

Et ces dernier temps, la subvention reversée par votre Fondation nous aide énormément.

Vous-même, quel est votre rôle au sein de l’association ?

Dans Japonaide, chacun a un rôle bien défini. Il y a des graphistes, photographes, informaticiens, comptables, traducteurs ou interprètes etc. Ce sont des techniques que je ne possède pas. En ce qui me concerne, je suis là surtout pour les relations extérieures, je m’occupe des négociations financières ou d’apporter de nouveaux projets de collaboration. Puis je distribue le travail à chaque membre selon leurs compétences. J’ai été nommée comme responsable, mais finalement, chacun est responsable de sa section et je ne peux pas réaliser de projet toute seule.

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Quelle est la part de bénévolat ?

Cela dépend de la période. Lorsque nous sommes en préparation d’un grand projet tel que le concert de l’Unesco, la part de bénévolat occupe une grosse partie de notre quotidien. Cela nous arrive de ne pas pouvoir assurer notre propre travail, ce qui nous cause de grands soucis. A partir de maintenant, nous devons penser à équilibrer tout ça.

Nous avons vu lors du concert à l’UNESCO que les bénévoles n’étaient pas seulement les Japonais, mais qu’il y avait également de nombreux Français. Et probablement en va-t-il de même dans chaque événement de charité. Japonaide est donc, de ce point de vue, au cœur du réseau franco-japonais. Que pouvez-vous nous dire de votre point de vue sur ce réseau ?

Il y a beaucoup de Français souhaitant aider le Japon parce qu’ils aiment notre pays ou qu’ils ont des amis japonais… Cela nous fait très plaisir et nous encourage beaucoup. C’est aussi un point positif dans cette triste histoire, qu’à travers des activités de charité, il y ait un noyau franco-japonais qui se crée naturellement.
Sinon la plupart des membres actifs de l’association sont Japonais à part deux Français. Leur présence est très importante pour diffuser des informations correctes en plusieurs langues.

« (...)nous souhaitions surtout transmettre notre reconnaissance à tous ceux qui nous ont soutenu pendant 1 an. »

Qui sont ces membres actifs ?

A la base, nous sommes un groupe d’amis qui s’est réuni puis, au bout de quelques mois, nous avons proposé à des personnes avec qui nous avions collaboré auparavant de nous rejoindre. Ce sont des gens dont le métier pouvait apporter des choses à Japonaide, mais surtout ce sont des gens de confiance et qui ont la même vision des choses que nous. C’est très important car nous pensons continuer ces activités sur le long terme.

Sinon, lorsque nous participons à des événements externes comme Paris, je t’aime ou ceux de la maison du Whisky, nous discutons chaque fois de la manière dont nous devons nous répartir le travail avec les organisateurs.

Quelle est l’influence de l’association au niveau national ?

Je n’ai jamais pensé à l’influence au niveau national. Nous faisons ce que nous pouvons faire, c’est tout. Nous faisons de notre mieux pour avoir le plus de soutien possible en étant le plus clair et honnête possible. Le plus important est d’avoir la confiance des gens. Je souhaite que les gens puissent voir notre sincérité en visitant notre site Internet où l’on informe régulièrement les lecteurs grâce à des rapports sur nos activités, et notamment sur l’aspect financier.

Avez-vous des relations étroites avec le Japon ?

Oui, surtout avec les organisations à qui nous avons envoyé les dons récoltés. Avant d’aider une organisation, nous rencontrons toujours son représentant. Nous souhaitons donc retourner au Japon de temps en temps pour enquêter et voir si telle ou telle organisation mérite d’avoir de l’aide.
(A vrai dire, la seule organisation dont nous ne connaissions pas la destination des dons a été la Croix rouge, à qui nous avions reversé des fonds au début...)

Avez-vous rencontré des difficultés particulières ?

La plus grande difficulté concernait les questions financières. Nous avions besoin de beaucoup de subventions : pour la gestion, pour la communication, pour nos déplacements, etc,.

Puis il y a le problème de l’équilibre entre notre propre travail et les activités de bénévolat. Nous devons assurer notre vie quotidienne, mais parfois nous sommes envahis par nos activités bénévoles.

La troisième difficulté est le manque de communication directe avec les habitants du nord du Japon. Nous n’avons hélas pas les moyens de nous déplacer souvent au Japon. C’est dommage.

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Y-a-t-il un événement qui vous a particulièrement marqué ?

Parmi les évènements récents, c’est le concert à l’Unesco qui m’a le plus marqué car il a été très très dur à gérer. N’ayant pas assez d’argent pour organiser ce grand concert, nous avons donné aussi bien financièrement, physiquement, intellectuellement que techniquement, contrairement aux événements au Grand Palais pour lesquels nous étions collaborateur.

Aujourd’hui c’est grâce au dernier concert à l’Unesco que nous commençons à être relativement reconnus et que nous avons des demandes de collaboration de grandes entreprises ou d’organisations. Nous devons maintenant réfléchir sérieusement à faire des démarches pour obtenir des subventions et continuer à mener ces activités en étant une association encore plus confiante.

En dehors de l’aspect financier, que vous a apporté la Fondation ?

Nous sommes profondément touchés par la grande somme que vous nous avez confiée mais encore plus par la reconnaissance dont vous avez témoigné envers nos activités. Vous nous avez apporté une grande confiance en nous-même pour continuer à aider le Japon depuis la France.

La Fondation en un mot ?

Une humanité qui nous aide à tisser un autre lien entre le Japon et la France.

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Fondation franco-Japonaise Sasakawa

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