Rencontre avec Kaori Ito
Fallait-il que vous soyez éloignée culturellement et géographiquement de votre père pour que le dialogue puisse se nouer ?
Je pense que le fait d’avoir été éloignée pendant treize ans de mon père m’a d’abord permis d’être indépendante et de créer ma propre vie. J’ai donc développé toute seule un regard et une esthétique sur ma propre vie et j’ai pu voir mon père et mon pays avec une certaine distance. Quand je suis revenue vers lui, c’était donc plus facile de ne pas m’emmêler dans son point de vue et je pouvais lui imposer ce que je pensais et ce que je voulais. Ce n’est pas évident d’employer son propre père.
Pourquoi avoir monté ce projet en France ?
Parce que ma vie se situe maintenant en France et le Japon est déjà passé. J’ai voulu créer dans un pays où je me sens plus enracinée. J’ai aussi commencé à écrire les questions à mon père en français, pas en japonais. J’écris mieux les choses très intimes en français qu’en japonais.
Quelle place tient la France dans votre projet ?
La France est un lieu de liberté d’expression pour moi. Parce que je suis venue et j’ai construit ma propre identité ici. Tout ce qui n’était pas possible au Japon, comme de devenir danseuse, de devenir chorégraphe et d’avoir ma propre compagnie, s’est réalisé ici en France. Mon père ne connaissait pas comment je travaille et comment je communique avec des gens. C’était important pour moi de réaliser ce projet en France pour lui montrer ma vie actuelle. Cela nous a permis de voir notre relation avec une certaine distance. À force de traduire le japonais en français ou le français en japonais, nous avons créé une distance pour mieux voir notre langage.
C’est parce que je me sens à la fois japonaise et française. (...) Je suis entre les deux pays, les deux cultures et les deux identités.
La question des relations franco-japonaises a-t-elle une place dans votre spectacle ?
Elle a forcément une place très importante pour moi. C’est parce que je me sens à la fois japonaise et française. Mais par contre je ne me sens ni une japonaise ni une française. Je suis entre les deux pays, les deux cultures et les deux identités. En tant qu’expatriée, on ne peut jamais sentir qu’une seule identité. Dans ce spectacle, il y a une série de questions au début, sur la France et sur le Japon. Cela permet aux spectateurs d’avoir un point de vue multinational.
Qu’est-ce que la fondation pour vous ?
La Fondation Franco-Japonaise Sasakawa a une place très importante pour moi et pour ma compagnie. Parce que je n’ai aucune aide de la part du Japon sauf celle de la Fondation Franco-Japonaise Sasakawa. C’est une fondation franco-japonaise mais je sens une aide de mon pays. C’est très important symboliquement d’avoir cette aide là. J’ai aussi une relation longue avec la fondation depuis le projet avec Yoshi Oïda, et c’est important d’avoir une clef pour accéder au Japon à travers cette Fondation.